Défendons les Espaces Naturels sensibles du Val d’Oise

Conseil Départemental séance du 27 mai : Intervention contre le déclassement partiel de l’espace naturel sensible du clos Dubus à Beaumont sur Oise

Monsieur le Président, chers collègues,

Les élus du groupe socialiste et apparenté sont particulièrement attachés aux principes d’une écologie responsable et raisonnée.
Responsable en ce sens que nous ne sommes que les dépositaires d’un environnement qui nous est confié par les générations précédentes et que nous avons le devoir de transmettre à ceux qui nous suivrons.
Raisonnée car la défense d’un environnement de qualité doit, selon nous, se concilier avec la prise en compte des besoins de nos administrés en termes de logement ou de croissance économique notamment.
C’est au regard de cette double conviction, qu’avec mes collègues, nous avon étudié le dossier de déclassement partiel de l’espace naturel sensible de la ville de Beaumont sur Oise sur lequel nous devons nous prononcer.
Déclasser un espace naturel est à notre avis un acte que nous devons mesurer, non pas sur la surface concernée en elle-même, quoiqu’elle soit de plus de deux hectares et demi sur les 5 que compte cet ENS, mais sur le principe même qui fonde un engagement que nous partageons tous sur la nécessité de faire du Val d’Oise un département exemplaire en matière de respect de la nature.
Nous notons à ce sujet qu‘il s’agirait, à notre connaissance, si cette délibération devait être adoptée, du premier cas de déclassement qui serait validé par cette assemblée. De ce point de vue, la portée de cette décision dépasse très largement la seule question qui nous est soumise aujourd’hui.
Elle constituera un précédent et fixera, pour l’avenir, le cap qu’entend suivre notre collectivité dans la mise en œuvre d’un dispositif qui est au cœur de ses compétences en matière environnementale.
Croyez bien, mes chers collègues, que sur cette question comme sur d’autres nous n’avons pas pour habitude de défendre des conceptions dogmatiques.
C’est une approche tout ce qu’il y a de plus pragmatique que nous vous invitons à adopter aujourd’hui.
Notre vote va, de facto, déterminer la doctrine de cette assemblée en matière de déclassements d’ENS.
Nous vous proposons donc de vous prononcer en tenant compte de trois principes qui nous semblent relever du bon sens le plus élémentaire et auxquels ne peuvent, à notre sens, que souscrire l’ensemble des élus siégeant dans cette assemblée, sauf à vouloir vider complètement de sa substance la compétence – c’est à dire le contrôle – qu’exerce notre collectivité en cette matière :

– premièrement : la logique même du dispositif implique que le déclassement reste une décision exceptionnelle ;
– deuxièmement : une telle décision ne doit être prise qu’à l’issue d’une mise en balance des avantages et inconvénients mettant clairement en évidence une nette prévalence des bénéfices attendus de l’opération sur les atteintes qu’elle serait susceptible de porter à l’environnement ;
– troisièmement : le déclassement doit être réservé aux cas dans lesquels il n’existe pas d’alternatives.

Autant le dire clairement, on pourrait légitimement douter du fait que de telles décisions puissent rester exceptionnelles à l’avenir si nous accédions aujourd’hui à la demande de déclassement partiel exprimée par le Conseil municipal de la Commune de Beaumont sur Oise.
La prévalence des bénéfices sur les risques est loin d’être évidente.
Sans vouloir polémiquer, Monsieur le Président, car nous pensons que les services départementaux n’en sont pas responsables, nous sommes toutefois contraints de vous signaler que l’information communiquée aux conseillers nous semble pour le moins incomplète sur ce point. Le rapport de présentation de la délibération indique en effet que : Le projet de déclassement a été soumis pour avis au Comité technique départemental des ENS du 3 mars 2016. Vu le faible enjeu écologique sur la partie nord du site, le comité a donné un avis favorable au déclassement de cette partie (…).
A notre demande, votre cabinet nous a communiqué copie de l’avis du Comité technique départemental des ENS qui conclue au « faible enjeu écologique sur la partie nord du site ». Nous attirons votre attention, Monsieur le Président, sur le fait qu’à la rubrique «reconnaissance scientifique » sensée recenser les études scientifiques réalisées sur le site, cet avis indique «aucune connue ».
Or, une étude, conduite en 2012-2013 par la Ligue de protection des oiseaux, a bien été réalisée sur ce site dans le cadre du programme « refuges LPO ». Notons également que la commune de Beaumont sur Oise était d’ailleurs partenaire de la réalisation de cette étude.
Or, la Ligue de protection des oiseaux a notamment constaté la présence dans l’Espace Naturel Sensible du clos Dubus de 4 espèces « d’intérêt patrimonial », c’est à dire entrant dans les classifications NT (quasi menacée) ou supérieures de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.
Ce premier constat contredit le « faible intérêt écologique ».
De même, la cartographie des lieux réalisée par la LPO met en évidence une alternance de parties boisées et de friches arbustives au nord comme au sud de la zone, et ne corrobore absolument pas, de ce point de vue, le fait que l’on puisse dissocier les deux parties quant à l’intérêt qu’il y aurait à les préserver ou non.
Bref, contrairement à ce que semble indiquer le rapport de présentation de la délibération le risque pour l’environnement est ici bien réel. Concernant les bénéfices attendus de cette opération, nous avons cru comprendre qu’ils étaient particulièrement discutés par nombre d’élus Beaumontois.
Mais au-delà du projet lui-même, la localisation est également vivement contestée et on en vient ici à la question, cruciale, de l’existence d’alternatives au déclassement d’un ENS.
Le développement urbanistique de cette ville ne peut-il se faire que sur cette zone ?
Ce point est, là encore vivement contesté par les opposants locaux au projet qui référencent plusieurs sites susceptibles d’accueillir les constructions projetées par la municipalité de Beaumont en préservant l’ENS et en densifiant par la même occasion le centre-ville
Résumons-nous : risques avérés pour l’environnement, incertitudes quant à l’intérêt de l’opération, absence d’alternatives non démontrée…
Voilà au moins trois raisons, Monsieur le Président, chers collègues, qui ne permettent pas aux élus de notre groupe de se prononcer en faveur de l’adoption de cette délibération.

Nessrine Menhaouara

 

 

lien : article du Parisien

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