Je ne peux donner en conscience un blanc-seing au projet pharaonique d’Europacity

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Dans son allocution la plus célèbre[1], Ernest RENAN a eu une formule que je crois très juste en affirmant que « Le moyen d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé ».

Je ne sais pas si l’avenir me donnera raison.

J’espère d’ailleurs que non.

Mais je ne vous cache pas que je ne partage pas nécessairement l’enthousiasme inconditionnel qui semble particulièrement en vogue au sein de cette assemblée concernant ce dossier.

Il existe encore, à ce stade, de nombreuses inconnues quant à l’impact réel d’Europacity sur l’environnement, sur le tissu commercial existant, sur l’emploi ou encore sur la congestion potentielle des axes de communication desservant cette partie du territoire départemental.

Je constate, dans le même temps, que certains équipements projetés (piste de ski indoor, lagon artificiel), par leur caractère extrêmement énergivore, semblent intrinsèquement assez peu compatibles avec les engagements pris par notre pays au cours de la COP 21 et sont, pour le coup, franchement anachroniques compte tenu de ce que sont les enjeux de notre temps.

Or, je ne vous cache pas que je n’ai pas été convaincue, c’est un euphémisme, par l’ensemble des réponses apportées par le maître d’ouvrage au cours des ateliers et réunions publiques animés par la CNDP[2] : estimations des retombées en matière d’emploi extrêmement optimistes, projections anticipant un important report modal vers les transports en commun des futurs visiteurs, scénarios relatifs à la gestion des émissions de gaz à effet de serre ou des déchets générés par le site fleurant bon le « green washing »…

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le groupe Auchan ne ménage pas ses efforts pour présenter son projet sous un jour positif.

Mais il me semble que l’on peut légitimement nourrir quelques craintes quant au fait que toutes ces belles promesses soient tenues in fine.

Dans ces conditions, il serait sans doute sage de faire preuve de prudence.

Je constate d’ailleurs que, tout en apportant un soutien mesuré au projet, le Conseil Régional a exigé qu’un nombre conséquent de garanties soient apportées par les porteurs du projet.

Or, ce qui pose à mon sens problème avec le cahier d’acteur que vous nous demandez de valider – rétroactivement, puisqu’il a déjà été transmis et publié par la CNDP sur son site – c’est qu’il ne prend pas ces précautions et apporte un soutien inconditionnel à un projet qu’entourent encore beaucoup d’incertitudes.

Monsieur le Président, vous nous demandez un blanc-seing.

Ce blanc-seing, en conscience, je ne peux vous le donner.

C’est la raison pour laquelle je m’abstiens sur ce dossier.

Nessrine Menhaouara

Conseillère Départementale du Val d’Oise

[1] RENAN Ernest, Qu’est-ce qu’une nation ?, conférence prononcée à la Sorbonne le 11 mars 1882, Pages françaises, 1925, p 36-73

[2] Commission Nationale du Débat Public

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